Compagnie des Indes
Le Boullongne (51)
Flûte de 600 tx. (1759-1761)
Olivier Bello
Pour
chacune des trois embarcations, on en crée la forme intérieure, couples non
compris, à partir de planchettes dont l'épaisseur correspond à l'écart entre
deux lignes d'eau. Une série de gabarits permet d'affiner cette forme. On lui
rajoute une bonne épaisseur au-delà du futur plat-bord. A part cette planche
supplémentaire, on vernit le tout pour ne pas donner de prise à la colle.
Dans
l'axe longitudinal, on creuse ensuite l'emplacement de la contre-quille.
Celle-ci a été préparée avec des entailles pour les varangues de tous les
couples. Puis on installe le maître-couple et deux couples assez éloignés pour
donner une première rigidité à l'ensemble. Les seuls points de collage sont la
liaison avec la contre-quille et les extrémités exagérées des allonges.
On
procède bien sûr de la même façon pour les trois mini-chantiers. Il suffit
alors de réaliser l'ensemble des couples, mais attention à la casse car la
section des pièces est particulièrement ténue, surtout pour la yole. On
comprend mieux l'importance du vernis au cas où un peu de colle viendrait à
baver sur la forme. Quand cette opération est terminée, on est surpris par la
solidité de la construction.
Entre
les varangues, on dispose des pièces qui les maintiennent encore mieux en
place, avec une épaisseur inférieure à celle de la quille, pour préserver
l'espace de la rablure.
On
peut maintenant préparer la quille, en gardant un excès de matière pour sa hauteur
qui sera ajustée ultérieurement. L'égalisation de la base des varangues et des
cales qui les joignent permet de vérifier l'adaptation de la quille sur le
chantier, en n'oubliant pas l'espace pris par la courbe de liaison qui s'appuie
sur le contre-étambot.
La
suite logique est la mise en place définitive de la quille avec son étambot.
Après
avoir façonné et collé l'écusson de la poupe, on peut commencer le bordage avec
en premier lieu la planchette moulurée qui sera située sous le plat-bord et une
autre qui va assurer le profil rectiligne de la quille. Lors de cette
opération, une planche installée par exemple à bâbord sera immédiatement suivie
par la pose de son homologue sur tribord.
On
peut remarquer que tous les bordages sont chevillés à raison de deux éléments
par couple, sauf au niveau de la jointure entre une varangue et son allonge où
l'on dispose quatre chevilles.
Sur
le cliché suivant, on voit très bien le dépassement des allonges de couple qui
assurent la fixation de la construction sur la forme.
A
ca stade des travaux, il ne faut surtout pas s'occuper du ponçage extérieur des
embarcations, afin de pas en faire trop et risquer de voir apparaître des jours
dans les planches de bordage.
C'est
maintenant qu'arrive l'instant magique où l'on peut sectionner les dépassements
des allonges afin de libérer les trois coques et apprécier la précison du
collage des planches de bordé, effectué sans obtenir des débordements
intempestifs de colle.
On
en profite pour vérifier que, selon leur future installation, les trois
embarcations s'encastrent l'une dans l'autre sans problème.
C'est
maintenant que se fait le ponçage extérieur, pour laisser voir la finesse des
assemblages.
On
est alors étonné de la petitesse du poids de chaque embarcation: 10 grammes
pour la yole, 25 g pour le canot et 35 g pour la chaloupe!
Après
avoir réalisé le vaigrage des parties basses des embarcations, on peut
également faire les aménagements au niveau de la poupe, avec les bancs et les
coffres.
Une
fois encore, on peut vérifier que les trois éléments pourront s'encastrer les
uns dans les autres, avec toutefois l'aide de coins qui leur permettront de
rester stables.
En
poursuivant les travaux, on met en place les structures au niveau de la proue,
les carlingues des mâts, les charnières des coffres, les cercles métalliques
servant de guide pour les bâtons de foc, etc..
La
pose des systèmes de gouverne est spécifique pour chacune des embarcations. Par
exemple, celle du canot traverse l'écusson arrière par le biais d'une ouverture
entourée d'une forme en relief.
Il
reste encore à installer les plats-bords, avec les supports des tolets, les
bancs, en notant leurs renforts pour éviter tout déplacement, mais aussi les
assemblages de pièces métalliques qui maintiendront la mâture en place.
L'affaissement
des bancs est évité grâce à la pose de petites épontilles situées dans l'axe de
la quille de chaque embarcation, sauf pour la yole qui est de taille
particulièrement réduite.
Une
dernière vue de détail de la chaloupe permet de noter l'arrondi dans la partie
centrale de la traverse pour ne pas fatiguer les cordages, ainsi que le
cerclage en métal pour le mât de misaine, maintenu par une charnière et une
goupille retenue par une chaînette, le chevillage des supports de tolets et la
goupille qui maintient l'axe du cerclage du bâton de foc.
C'est
ainsi que l'ensemble du chantier du Boullongne représente à ce jour le cumul de
59 506 chevilles et de 34 103 pièces...
Le
prochain article sera consacré aux nombreux accessoires qui équipent ces trois
embarcations et à l'installation de celles-ci sur le vaisseau.
Olivier
Bello.