Compagnie des Indes
Le Boullongne (47)
Flûte de 600 tx. (1759-1761)
Olivier Bello
Nous commencerons la fabrication des bas-mâts par le
beaupré, dont le diamètre augmente en partant de sa base vers la partie
centrale, puis se réduit considérablement pour arriver à l'emplacement du
chuquet qui est marqué par un tenon de forme particulière: il consiste en un
carré dont le côté qui sera inférieur est remplacé par un arc de cercle. Quand
le chuquet s'emboîte sur ce tenon, sa forme est inclinée sur tribord et se
trouve percée d'un orifice pour le passage du bout-dehors de beaupré. Il est
également ceinturé par un fer plat fixé grâce à de nombreux clous.
En
arrière du chuquet, on trouve en position centrale la courbe de beaupré qui
sert à l'amarrage du garde-corps de beaupré. Cette courbe a aussi pour but de
recevoir l'appui du pavillon de beaupré. Elle est encore munie d'un piton sur
sa face supérieure.
De
part et d'autre de la courbe de beaupré, on installe les violons dont l'arrière
est légèrement relevé par rapport à l'axe du beaupré. Ils servent de
plate-forme pour les hommes qui manoeuvrent sur le beaupré.
De
plus, deux chevilles à oeillet sont fichées dans la partie inférieure et
postérieure du chuquet.
Le
bas-mât étant renforcé par des cerclages espacés de façon régulière, il faut
encore lui adjoindre toute une série de taquets qui auront pour fonction
d'immobiliser les divers colliers, herses et liures. On notera l'absence de
jumelle pour le beaupré, à l'opposé des autres bas-mâts.
Après
tous ces travaux de préparation, le beaupré est enfin prêt à être installé en
venant reposer contre son flasque qui est situé entre les deux grandes bittes.
Il
est temps maintenant de s'occuper des trois bas-mâts principaux du Boullongne.
Mises à part les diverses proportions, la manutention est identique pour chacun
d'eux. Je me contenterai donc d'en décrire un seul.
Une
fois que la forme générale du bas-mât est obtenue, on confectionne la jumelle
dont la largeur et l'épaisseur vont en diminuant vers son pied. Sa face
postérieure est travaillée pour épouser parfaitement la forme du bas-mât, alors
que sa face avant est plane jusqu'à la partie inférieure des jottereaux, pour
ensuite prendre une forme convexe. Cette face est également marquée par des
cannelures pour la pose de roustures qui consolideront l'effet des clous qui
fixent la jumelle sur le bas-mât. Dans le cas des deux principaux bas-mâts, il
faut aussi travailler la face concave de la jumelle pour laisser le passage des
cerclages métalliques.
Les
jottereaux serviront à soutenir l'ossature de la plate-forme de hune. Ils sont
situés de part et d'autre du bas-mât et nécessitent la pose d'une pièce sur
l'arrière du bas-mât pour les installer selon l'axe longitudinal du vaisseau.
Sauf pour pour la face supérieure, les arêtes externes sont adoucies.
On
remarque que les jumelles ont leur extrémité haute plus élevée que la face
supérieure des jottereaux: cette différence correspond à la hauteur des longis
de la future hune.
Lorsque
ces pièces ont été mises en place, après avoir réalisé le cerclage des deux
bas-mâts les plus grands, on peut enfin installer les roustures qui assurent le
positionnement des jumelles: il y en a quatre pour le bas-mât d'artimon et
trois pour les deux autres.
Les
bordages de la hune reposent sur les longis, aux arêtes externes rabattues, qui
sont croisés par les traversins qui présentent une légère courbure. Ces
planchettes laissent voir un jour entre elles . De plus, elles sont entaillées
à mi-bois pour le dessus des extrémités des bordages en long, et pour le
dessous des extrémités des bordages en travers. Il faut nécessairement faire le
chevillage de toutes ces pièces avant la pose des éléments de la guérite, sorte
de cadre (théoriquement en bois d'orme), dont les différents éléments
s'assemblent à mi-bois l'un sur l'autre.
Ensuite,
on égalise le plan supérieur de la guérite et son pourtour extérieur, et on met
en place les chevilles qui sont disposées en quinconce, sauf aux endroits
d'assemblage où il y en a quatre.
On
peut maintenant apprécier les grandes dimensions de l'ouverture du trou du
chat. D'autre part, des bandes de métal sont appliquées sur les parties
extérieures et rectilignes de la guérite. Elles sont percées par des ouvertures
de forme rectangulaire qui autoriseront le passage des lattes métalliques qui
entourent les caps de mouton de hune. La guérite et les bordéges de la hune
sont percés dans le prolongement de ces orifices. La longueur des bandes doit
venir s'appliquer contre l'un des taquets que l'on va maintenant mettre en
place pour conforter la solidité de la hune.
Ces
taquets sont disposés de manière rayonnante ont une largeur égale sur toute
leur longueur, mais leur hauteur augmente en se rapprochant de la guérite, afin
de voir épouser sa forme par le biais d'une entaille, à laquelle s'ajoute une
autre entaille plus fine dans le cas de l'implantation sur une bande de métal.
Suite
à ces travaux, on colle définitivement les longis de hune, croisés par les
traversins, sur la face inférieure de la hune. On perce également les bordages
de la hune pour le passage des oeillets qui permettent de la solidariser avec
les longis et les traversins.
On
prend le temps de vérifier que l'écartement entre les longis correspond
exactement à celui des jottereaux du bas-mât.
Pour
en finir avec ces longues manipulations, on fiche les oeillets dans les longis
et les traversins, et leur orifice est comblé par une pièce de bois de section
ronde enfoncée à force.
Il
est temps de coller les hunes sur leurs bas-mâts respectifs, ce qui permet
ensuite de comparer la différence de taille entre ces trois ensembles.
Il
ne reste plus qu'à installer les bas-mâts dans leur carlingue, sans avoir
oublié d'avoir taillé leur pied en forme de tronc de pyramide à base carrée.
On
peut enfin profiter d'une vue générale du Boullongne pour jouir des progrès
accomplis et des nouvelles dimensions qu'il propose: 145 de long, 70 de haut,
54 447 chevilles et 32 205 pièces!
Olivier
Bello.